jeudi 28 novembre 2013

 Septembre



   En septembre on commence à penser au boulot plus sérieusement, on participe à des réunions pour accueillir de nouveaux bénévoles, réunions pour préparer les ateliers annuels qui vont débuter prochainement, présenter de nouveaux projets... Bref, on rencontre de plus en plus de bénévoles qui participent avec application et responsabilité à la mise en place des actions de l'association. Je suis étonnée du nombre de jeunes qu'Emir et les autres ont réussi à embarquer dans leurs projets. Niveau communication, il y a du boulot pour rester cool tout en étant sérieux, inciter et responsabiliser, non vraiment, je suis impressionnée ! Personnellement, mon niveau de turc ne me permet pas encore de prétendre à tisser de vrais liens avec ces nouveaux visages enthousiastes, quelques sourires, des mimes, des rires de nos mimes, on se rentre peu à peu dans l'équipe malgré tout !

   Le projet qui commence réellement à se mettre en place c'est celui de Celil, le dernier membre de l'équipe de Koza, ami d'Emir et d'Aylin depuis longue date, ils ont créé l'assoc ensemble. Ce projet s'étalera jusqu'en avril 2014 et accueille des personnes handicapées de tous âges de la ville. Celil aidé d'une quinzaine de bénévoles et de quelques professionnels leur offrira des cours de natation adaptée puis des leçons de plongée. Projet très intéressant, tout le monde est motivé ! Et on commence les séances, échauffements, répartition des groupes, certains des participants s'avèrent être déjà de bons nageurs. Selon le handicap et sa gravité on innove, les bénévoles commencent à entortiller les participants de matériel mousseux pour les forcer à flotter, puis on trouve la tac-tique, une planche, une frite qu'on lui fixe et hop, tout le monde se met à flotter ! On commence à essayer de se déplacer désormais. En septembre c'est le tout début de ce projet, on expérimente et on se familiarise les uns aux autres.

   Ensuite il y a un projet duquel on parle, que l'on prépare, un projet qui existe depuis deux ans déjà : un atelier hebdomadaire d'animation pour les enfants de la communauté ROM/gitane/tzigane, ne sais-je, de la ville - je propose d'utiliser le terme par lequel les Turcs les désigne : Roman. Culture, jeux, ateliers artistiques, une vingtaine de bénévoles plein de résolution s'attellent à la conception de cet atelier qui commencera finalement début novembre.

   Mais en septembre, ce qui nous a occupés les plus de temps avec Vitus c'est un projet qu'on avait à écrire nous-mêmes dans le cadre de ce même programme "Jeunesse en action". On s'y met : respect des priorités du programme générales et annuelles, lecture des orientations pédagogiques du programme, d'autres projets... on commence à capter comment ça marche et la procédure à mener et choisissons un thème. Ce sera "la mobilisation des jeunes pour les élections politiques nationales et européennes de 2014". Un titre : "Youth in the urns, politics turns !" (dont je suis plutôt fiérote !). Et on désigne une action du programme dans laquelle inscrire notre projet : Action 1.1 du programme (Youth Exchange) ; on accueillerait des jeunes de Roumanie, Italie et Turquie pour le temps d'une semaine en avril. Et on dégote des assoc partenaires, tout se précise. On fait notre planning, imagine et choisit nos activités, on écrit et écrit, en détaillant tout, nos buts et objectifs, nos méthodes, notre pédagogie, nos pourquois nos comments, nos nos avants et après, nos causes conséquentes, nos raisons raisonnées. On se couche très tard une semaine et demie, puis on le finit à temps pour l'envoyer à la Commission le 1er octobre ce projet. On est excités et fiers... Il n'a pas pu être envoyé. Tant pis, on retentera notre chance en mars prochain, même si on risque de devoir tronquer un peu dans nos idées par manque de temps pour le réaliser. Eeenfin ! C'est l'métier qui rentre, on aura bien utilisé notre cerveau tout ce temps, toujours.

   En septembre on retrousse les manches et on rentre dedans. Les choses deviennent plus claires, je me sens plus dans l'équipe, je fais appel à ma créativité, j'ai des idées. A la maison, petit coup de mou niveau ambiance mais je fais face.

mercredi 27 novembre 2013

Août


    
   En août, nouveau défi : dans un mois vous déménagez ; Tessa, Vitus, vous trouvez un appart, ok ? Mmmh eh bien si on déménage de toute façon, oui on va tenter ça ! On a réussi à trouver quelques plans, visité un truc dégueu et fracturé. Finalement c'est Emir qui nous a relogés avec notre Marius dans un autre appart du précédent proprio, large d'esprit (parce que faire habiter 2 mecs et une fille ensemble, en âge de fête et sans contrat de mariage, même dans notre ville - une des plus ouverte d'esprit de Turquie - ça reste difficilement acceptable pour les proprios qui se la jouent à l'occasion contrôleurs des mœurs). Encore un joli et spacieux appart même si on doit renoncer à notre précédente terrasse avec accès direct au toit. D'ici si on monte sur le toit, on voit la mer... je ne vais pas me plaindre non plus ! Et en prime on a un grand bébé pigeon sur notre petit balcon qui participe à nos repas en nous saupoudrant de plumes usées et nous faisant croire toujours un peu plus à son élan prochain. Un mois plus tard il a disparu. Objectant qu'il n'avait pas l'air asez dégourdi pour s'envoler, Vitus a parié sur une capture par les gros coucous qui venaient l'embêter. Toujours est-il, on a trouvé notre rythme avec les gars, on cuisine beaucoup (allelujah ! le partage des tâches est optimal), on mange bien, on profite ! Certes je regretterai un peu les voisines de l'ancien quartier, assises devant chez elles sur le trottoir toute la journée (parfois en compagnie de leur télé) qui m'avaient finalement adoptée, m'offrant des chocolats pour célébrer un peu comme eux leurs fêtes religieuses. Et ces petites maisons traditionnelles, basses et charmantes, abritant quelques poulets dans l'arrière-cour. Un peu plus gitan que ce nouveau quartier, et plus convivial.

   Ce mois-ci une autre association locale amie avec la nôtre accueille des participants de Géorgie, d'Italie, de Grèce, d’Azerbaïdjan et de Turquie aussi pour un projet d'une semaine. Le thème : entrepreneuriat social. Vitus et moi sommes invités à y participer. Dès le début tout le monde a capté que je ne connaissais rien au sujet, bon, au moins comme ça les positions sont clarifiées. Mais ce tout le monde est bien gentil et on passe de bons moments ensemble, à parler de culture, de nos pays, nos habitudes dans un anglais approximatif. On se dandine sur les mêmes musiques internationales le soir, et ça fait marrant de se voir soi-même tout mondialisé et relié à "tous les jeunes du monde, au moins !", par des musiques plus ou moins faciles qui définissent notre génération à l'échelle mondiale, en tant que modèle et produit de la jeunesse actuelle. Bon tu perds le rythme, la musique continue quand toi tu la philosophes ma fille, t'y penseras après, "Good girl" !
Bref ce projet est réussi en ce qui concerne la dimension interculturelle et visite de Çanakkale (au passage on a grimpé à Assos, et ça valait bien le coup !). En ce qui est du thème ajouté, échange des participants sur le chômage des jeunes dans leur pays, ainsi que sur des exemples d'initiatives sociales, un peu irrégulier en fonction des présentations, mais des résultats intéressants tout de même. Et puis pour Vitus et moi, qui savons que viendra notre tour d'organiser un projet semblable sous l'égide de la Commission Européenne également, c'est l'occasion de voir en coulisses le déroulement type d'un-tel projet. Ce projet-là a été réalisé grâce au programme "Jeunesse en Action" de la Commission Européen (ce même programme qui nous a permis à Vitus et moi de venir squatter la Turquie avec l'action Service volontaire européen (SVE)). Tout le monde repart la semaine passée, invitant chacun chez lui pour une visite personnalisée du pays.

   En aussi il y a Emir et Aylin qui se marient et nous invitent. Belle entrée en matière culturelle que de prendre part à cette cérémonie. Ils sont déjà mariés à la mairie, Aylin a déjà fait à Istanbul la cérémonie des femmes. Maintenant c'est la fête avec tout le monde, on danse ! Bon, j'imagine que la danse turque mettra un peu de temps à s'imprimer sur mon corps et mes mouvements moulés à l'occidentale. Inch'allah. C'était sympathique, j'ai appris quelques danses de groupes, les amis des jeunes mariés nous ont bien accompagnés. Au final, Emir et Aylin nous ont expliqué qu'ils s'ennuyaient un peu, cette fête répondant plus aux désirs et prescriptions de leurs familles qui voulaient faire à leur idée qu'à leurs propres envies. Je commence à comprendre le poids et l'autorité de la famille dans la culture turque, petit à petit.


   Le mois d'août nous invite tout en douceur dans la culture et dans le programme.

mardi 26 novembre 2013

Juillet


    Le premier juillet, me voilà qui m'envole dans les airs depuis Paris pour me soustraire un an en pays de Turquie. A moi la mer et l’œil renouvelé ! En chemin je rencontre mon nouveau coloc d'année, Vitus, venu d'Allemagne. Il semble sympathique, gardant le sourire tout au long de l'heure pendant laquelle je détaille avec attention les particularités physiques de ma valise pour qu'il la retracent, la coquine, de la France à l'Ukraine, de l'Ukraine à Istanbul. Enfin, on prend le bus pour notre ville d'ouvrage, Çanakkale ( [tchanakalé] ). On y arrive le matin (joli réveil dans le bus à l'approche du port, au milieu de l'eau -une minute de doute et puis on se détend, et on peut s'émerveiller du paysage). La valise se fera la même réflexion deux semaines plus tard.

    On rencontre au port notre troisième coloc, Marius, un Roumain qui est venu l'an passé faire comme nous un service volontaire européen dans la même association et qui a décidé de rester. Cette ville semble avoir charmé comme une sirène bon nombre d'étrangers qui ne pensaient que passer. Un peu plus tard on déjeunera nos premières spécialités turques avec un thé (le célèbre çay qui se joint à la clope pour habiller la quasi-totalité des bouches turques du matin au soir), le tout dans un charmant café face à la mer. Mer dans laquelle deux dauphins nous montrèrent leurs reins en rythme ce matin-là histoire de nous envoûter sans perdre de temps. On fait la connaissance d'Emir, responsable de projets de l'assoc, Aylin, la présidente qui est aussi prof d'anglais. Ils ont tous 25 ou 26 ans, ont l'air de savoir ce qu'ils font et d'avoir de la distance, de bonnes réflexions sur leur activité... Dynamiques, détendus et chaleureux : je prends !

   On s'installe dans cette nouvelle ville, on rencontre des amis des uns des autres, ça parle pas mal anglais dans les cercles de chacun ; on se découvre avec de la fête dans le gosier et de la joie dans les gestes ! Mon anniversaire tombe à ce moment-là, il suit cette très joyeuse procédure. Chanceuse pour le coup, mon blues de pré-anniversaire de n'être qu'avec des nouveaux sans mes miens-repères a vite été essuyé par un gâteau surprise et même des cadeaux de mes nouveaux compères ! Les amis, les soirées, ça nous mène à camper une nuit sur la superbe plage de Kabatepem autour d'un feu-maison ou encore à se baigner dans le port à 5h du mat, à se les geler tout en refusant de quitter ces eaux douteuses avant d'avoir été rejoints par le soleil du matin. Bon et puis soleil = lumière = regards et prise de conscience de nous-mêmes = au pieu, et on calme le jeu niveau déjante.

    Nous commençons les cours de turc : la sensation du bus flottant revient, léger vertige grammatical... Ok, ne serait-ce que pour la langue, 1 an de service vaut mieux que 6 mois ! Petit à petit j'ose des Merhaba fragiles à nos voisines qui semblent plus sensibles au charme blond et long d'1.90 mètre de Vitus. Enfin, un mois de Merhaba intensifs me suffira à décocher les sourires de toute la rue à mon passage.

    Et puis viennent les missions. Joueur, notre Emir nous a concocté des missions d'orientation et de socialisation histoire de précipiter un peu notre intégration. On a notamment dû acheter du yaourt (numéro 3, juste après le thé et la cigarette dans le palmarès des ingurgitations nationales) dans un grand super-marché en périphérie du centre-ville, donc oser prendre le bus. Vitus a passé sa première journée de mission à se coup de soleiller violemment en rassemblant sur la plage 1000 coquillages pour ensuite leur faire dire son nom. Quant à moi j'ai cultivé mon coup de soleil en marchant 1h aller-retour à la piscine (ah, sacrée peur du bus qui "pourrait me perdre vachement plus vite vachement plus loin que mes propres pattes"...). Sur le trajet, comme ces-dites pattes m'ont bien entendu paumée, un valeureux sauveur de jeunes étrangères au teint rougeâtre se joint à ma marche. Le mec s'ennuyait, maintenant il s'emballe : ma mission devient la sienne, il mettra tout son honneur à me la faire, cette fichue carte de piscine ! Bon sauf qu'il ne parle pas anglais et du coup j'assiste plus que je ne participe à ses négociations à la piscine, puis au stade, puis au bureau de Police. C'est en le forçant à accepter un Coca que j'échappe à ce qu'il commence lui-même les procédures pour mon Visa. Je laisse ça à Emir, c'est quand même mieux de connaître le dossier ! Autrement ces missions nous ont fait prendre des photos avec des inconnus, et tester la légendaire chaleur et hospitalité des turcs : ça marche ! D'ailleurs l'étranger reçoit bien souvent des attentions particulières. On s'est également rendus à divers lieux de la ville, moi collée à ma carte et tournant quand même en rond, Vitus avec son orientation de voiture équipée allemande. C'est ainsi qu'on a notamment visité le joli château en forme de trèfle de Kilitbahir. Voilà pour le gros des missions - et mon sauveur de la piscine s'est repointé régulièrement à l'appart pour me regarder vivre semble-t-il, jusqu'à ce que sous les conseils d'Emir, expert en jeunes-mecs-désespérés-traqueurs-d'étrangères, je réussisse à l'éconduire.

    Juillet, c'est une arrivée en fanfare, de l'émerveillement et de l'énergie pour s'intégrer et commencer, le plein d'espoirs pour une année à reliefs !